L’art de ne pas juger

Ce que M. Mahatma me reproche dans un commentaire, c’est de prétendre aux gens de ne pas juger leurs semblables. Juger serait, d’après mon distingué lecteur, un droit, et des moins aliénables. Qui plus est, il nous serait impossible de rencontrer qui que soit, même pour une seconde, qui échappe à notre tendance naturelle de juger. Enfin, ce qu’il ne faudrait pas faire, c’est condamner. Mais juger, ça, on ne peut et ne doit point interdire. Tel est, si je l’ai bien compris, le propos du mystérieux lecteur.
La question est assez compliquée pour mériter bien plus qu’une pauvre petite entrée dans ce journal, c’est le moins que je puisse faire.

Voici ce que j’ai du mal à comprendre. Si juger est une tendance naturelle et même incontrôlable, comment pourrait-ce être un droit? Si on n’a pas le choix, si l’on juge malgré soi-même, c’est que personne ne peut nous l’interdire, car nous sommes nous même dans l’incapacité d’arrêter de juger. Accuser quelqu’un de vouloir, dictatorialement, bannir le jugement, serait alors un acte dérisoire et inutile.
Il y a encore le problème des critères du jugement. Si juger est spontané et incontrôlable, alors les critères ne peuvent pas être raisonnables, car la raison n’est pas incontrôlable et surtout, elle n’est pas spontanée. Dans mon bushido, il n’y a qu’un seul critère qui vaut plus que la raison dans le jugement des gens, par les gens, et c’est l’amour. Mais on n’aime qu’une minorité minuscule des gens qu’on rencontre, surtout si on est médecin et l’on rencontre des centaines, voire des milliers de personnes.
La conclusion qui s’impose, est qu’on doit écarter son premier jugement, le spontané, et en construire un autre, raisonnable. Mais un jugement raisonnable a besoin de prémisses en quantité suffisante. Savoir quand est-ce que l’on a cueilli un nombre suffisant de données pour juger quelqu’un est un problème que je déclare insoluble. Je défie n’importe qui de démontrer, irréfutablement, qu’un détail, n’importe quel détail, de la vie ou de la personnalité de l’humain de son choix, est insignifiant et n’a pas de conséquences. Ignorer un détail déformerait, avec une grande probabilité, le jugement final. Il serait donc nécessaire, avant de porter son jugement sur un humain, de savoir tout sur cet humain.

J’ai récemment lu un bouquin d’Ayn Rand, dans lequel elle exécrait les existentialistes. Elle abhorrait le fait de dire qu’un sentiment ou une pensée puisse être inexplicable. Je ne suis pas de son avis. Dans mon expérience, l’origine ultime des actions, pensées et sentiments humains, est souvent (je n’ose pas, mais je suis tenté de dire “toujours”) incognoscible. Du moins pour le moment, l’homme, chaque homme, est un mystère total, dont on ne perçoit qu’une mince surface. Même si l’on concevait qu’un humain puisse être entièrement connu de façon raisonnable, le travail serait titanique et nécessiterait plusieurs vies.

J’en conclus, cher Mahatma, qu’à l’exception notable du jugement amoureux (et encore, pas n’importe quel jugement amoureux), tout jugement porté sur un autre humain, au moyen de la raison ou à d’autres moyens, est nécessairement incorrect. Inévitable et incorrect, comme la mort. Je ne condamne personne pour juger, puisque c’est plus fort que nous, mais l’idéal serait de ne juger personne, que par l’amour. Si vous devez juger, jugez en amoureux, sinon, moquez-vous de vos jugements, car ils ne valent sûrement pas grande chose.

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10 thoughts on “L’art de ne pas juger

  1. L’art de ne pas juger – suna a subiect de bacalaureat. Tratat în fond si forma cu mare arta. Sincer si fara nici-o intentie polemica voi încerca sa explicitez ce gaseste greu de înteles anfitrionului nostru, fiind convins ca punctul sau de vedere nu este prea îndepartat (ceci n’est pas un jugement :)). Câmpul semantic (ce bine suna :)) ce ne intereseaza se întinde în zona juger, penser, connaître. Când informatiile privind subiectul acestor actiuni nu sânt exhaustive, ceea ce este cel mai des cazul, rezultatul lor trebuie considerat cu precautie. Inseamna sfârsitul lor ? Cu siguranta, nu. Nu numai prima judecata, cea spontana, dar si cele rationale care urmeaza, trebuiesc înlocuite cu “ultima” … care în clipa urmatoare nu mai este ultima. Acest lucru mi se pare natural. Altfel, juger, penser, connaître devin însa un drept în momentul în care oricine ar încerca sa ni le limiteze. Et pour conclure, Votre Honneur, juger, penser, connaître c’est aimer l’autre. Ne pas juger, ne pas penser, ne pas le connaître, c’est le méconnaître, c’est le mepriser. Ouf

  2. Vai Mahatma ce frumos!

    18/20, că maximum e pentru profesor. Ştii matale…

    Şi Mahalagiule, mulţămesc pentru chestia de la Gavagai, heh.

  3. Am din ce in ce mai putin timp, scuze de intarziere.
    Zaza, daca n-ai inteles e fiindca nu am explicat eu clar de unde a inceput discutia, si anume de la un comentariu al meu pe blogul unei colege, aici, la care mi s-a raspuns in comentariile de la postul meu, cu Furtuna, atat de catre autoare, cat si de catre M. Mahatma. Io ziceam ca nu judec oamenii (ipocrit din partea mea), M.M., ca asa ceva nu se poate si ca sa nu interzic acest drept.

    Mie mi se parea ca ultimul post poate fi de sine statator, dar, na.

    M.Mahatma, aveti dreptate, suntem, in fond, de pareri asemanatoare. Totusi, o zic din nou, in medicina, imensa majoritate a pacientilor sunt méconnus. Inseamna asta ca sunt dispretuiti? Nu. Dispretul e suplimentar, vine si el foarte usor, e drept. Insa nu crez ca e inevitabil.

  4. “La medecine n’est pas une science. C’est un art” – cum zicea unul dintre colegii mei. Si cred ca fiecare ajunge la un echilibru foarte delicat între implicarea personala pe lânga fiecare pacient si necesara distanta pentru a-si proteja donjonul. Les chansons de salle de garde nu sânt decât unul dintre dintre mijloacele de a mentine aceasta distanta. Altul ar fi inversarea ponderei bolnav – boala. In fine, nefiind medic, cred ca dvs. – dispretul nu este de loc inevitabil dar este prezent ca risc, facând eventual si el parte din strategia de “distantiere”.

  5. Uite am gasit un abstract intr-un articol de’l citesc. Are abstract si in franceza (asa cred, ca e franceza…)

    Résumé :
    Nombre de recherches scientifiques ont mis en évidence l’importance des émotions dans les prises de décisions. Pour autant, cette dimension reste encore peu prise en compte dans les approches économiques. Pour cela, et en référence aux travaux sur l’intelligence émotionnelle, dans cet article nous nous proposons d’étudier l’impact et l’importance du capital émotionnel dans la constitution et l’exploitation optimale du capital humain chez les personnes et sur le Knowledge management dans les entreprises ou les organisations. A partir d’un modèle conceptuel du capital émotionnel, nous montrons que le capital émotionnel est un capital plus qu’additionnel. Il est un capital qui potentialise le capital humain, social et culturel des personnes et s’avère aujourd’hui crucial pour les entreprises et les organisations. Particulièrement, notre modèle permet d’apporter des éclairages sur les différences de réussite scolaire, de choix de carrière et de salaires hommes-femmes sur le marché du travail, ainsi que sur les différences de réussite entre structures organisationnelles.

    GENDRON B. (2004), Why Emotional Capital Matters in Education and in Labour? Toward an Optimal Exploitation of Human Capital and Knowledge Management, in Les Cahiers de la Maison des Sciences Economiques, série rouge, n° 113, Paris : Université Panthéon-Sorbonne.

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